Ici à Churchill, ils sont de toutes les conversations : à la gare en arrivant, dans les motels, les restaurants, les boutiques, à la gare en repartant... Ils, ce sont les princes, que dis-je, les rois de Churchill : les ours polaires!
La ville de Churchill a la particularité de se trouver sur la route de migration des ours polaires. Ces derniers sont la seule espèce d'ours qui n'hibernent pas : en été et automne, ils vivent sur la terre ferme notamment au Nunavut et au Nord du Manitoba; et en hiver et au printemps ils vivent sur la banquise de la Baie d'Hudson. Pour aller de l'une à l'autre : ils doivent passer par Churchill.
Donc entre mi-octobre et mi-novembre, trains et avions convoient les touristes à la recherche, comme moi, de LA rencontre. Rassurez-vous, le prix du voyage et la distance à parcourir font que Churchill n'a rien de Disneyland ou de la Côte d'Azur. Les touristes se comptent en quelques centaines d'où cette sensation de privilégiée que j'ai ressentie en arrivant.
Direction le Parc National Wapusk à une dizaine de minutes de Churchill ("Wapusk" en langue "cree" signifie "ours blanc"). Cet espace protégé est l'une des trois régions qui comptent le plus de naissances d'ours polaires au monde, avec les îles Wrangel en Russie et Kong Karls Land en Norvège. Selon les dernières données, il y aurait environ 930 ours polaires à Wapusk pour une population mondiale de 25 000 individus.
Le moyen le plus sûr de voir les ours et surtout de bénéficier de l'expertise des spécialistes c'est de monter à bord des "Tundra buggy", des énormes véhicules tout-terrain. Cinq ou six de ces véhiculent circulent en même temps dans le parc.
Notre pilote-guide, Lisa, explique qu'il est impossible de prévoir combien d'ours nous allons voir dans la journée. Cela peut varier de 1 à plusieurs dizaines. Selon la météo et surtout leur bon-vouloir, ils se déplacent ou non chaque jour. Comme il ne fait pas encore très froid, ils ne sont pas très actifs et ont encore plusieurs semaines avant de rejoindre la banquise. Le premier ours apercu ce matin-là est d'ailleurs profondément endormi sur le bord de la route!
Au loin, une masse - en mouvement cette fois - se dessine, mais cet ours ne vient pas dans notre direction.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous quittons notre bel endormi pour découvrir deux mâles se déplacant sur l'eau gelée.
A cette saison, ce sont essentiellement des mâles que l'on peut observer. Les femelles restent sur la terre ferme et se blotissent dans des tanières pour mettre bas entre la mi-novembre et la mi-janvier. Elles ne rejoignent la banquise que plus tard avc leurs petits. Les mâles sous nos yeux auraient environ 4 ou 5 ans, ils apprennent a se dominer l'un l'autre par des petits jeux.
Mes deux nouveaux amis rejoignent la terre et nous proposent un incroyable spectacle : ils se mettent sur leurs pattes arrières, s'allongent, se grattent... Absolument magique...
L'un des ours se rapproche petit à petit.
Difficile à croire que ces animaux sont les plus gros carnivores et prédateurs de la planète. Ils paraissent si doux et paisibles... Et on se demande bien qui de l'homme ou de l'ours est le plus curieux!
L'ours n'est alors qu'à quelques mètres de moi... Impossible de vous décrire l'émotion et la joie que j'ai ressenties. Les photos se passent de commentaires (cliquez dessus pour les avoir en qualité maximum)...
Comme je vous le disais, les ours sont aux portes de Churchill, parfois tellement proches (dans la ville), qu'il faut les éloigner. Pour cela, les "patrouilles à ours" - qui circulent 24h sur 24h - tirent des coups de fusils en l'air pour les effrayer.
Quand cela ne suffit pas, les ours sont endormis avec des tranquillisants et héliportés dans la "prison à ours". Ils sont enfermés jusqu'aux grands froids et relâchés sur la banquise lorsque celle-ci est formée. Lors de mon court séjour a Churchill, j'ai vu un hélico transporté deux ours vers leur résidence provisoire et entendu des coups de fusil pour en éloigner un autre signalé à une dizaine de mètres de l'entrée de la ville. De leur passage en prison, les ours ne portent aucune séquelle, si ce n'est un badge dans l'oreille comme vous pouvez le voir chez mon ami.
Le deuxième ours nous rejoint et les deux se cherchent, se fuient, se taquinent, se provoquent...
Puis il est temps pour eux de poursuivre leur chemin... Nous le notre, dans ce magnifique Parc Wapusk.
Au passage, nous apercevons le très rare "gyrfalcon" (faucon quelque chose en francais, désolée mes connaissances dans ce domaine sont très limitées) et une chouette des neiges qui a la particularité de chasser le jour et non la nuit.
Et c'est emplie d'une grande émotion que prend fin cette incroyable journée. En quittant Lisa, je suis déjà nostalgique.
Cela faisait plus d'un an que je voyais ces ours polaires de Churchill dans mes rêves. Je les ai enfin vus, libres dans leur toundra arctique.
Mais il faut aussi savoir que leur existance à moyen ou long terme est menacée : le réchauffement climatique fait que leur vie sur la banquise se réduit. Celle-ci se forme de plus en plus tard, et fond de plus en plus tôt. Or, c'est à cette période que les ours engloutissent la nourriture (surtout des phoques) essentielle à leur survie pendant les mois sur terre. La bonne nouvelle en revanche c'est que la chasse à l'ours blanc s'est considérablement réduite ces dernières années grâce aux programmes mis en place notamment dans le Canada arctique. Longue vie aux ours polaires!
Et puisque je vous ai fait patienter longtemps, trop longtemps même au goût de certaines, voici un petit bonus : deux vidéos réalisées grâce aux images de mon camarade néo-zélandais Wayne. Enjoy avec un peu de musique!
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